Investir dans la cryptomonnaie volatile n'est pas pour tout le monde
Par Sayem Hossain
Les cryptomonnaies ont beaucoup fait parler d'elles ces derniers temps. En fait, il est récemment difficile d'éviter les gros titres concernant le « Bitcoin » ou « Ethereum ». Et les histoires qui racontent que vous seriez à présent millionnaire « si seulement vous aviez acheté 100 $US en Bitcoin il y a six ans » sont certainement fascinantes, même si cela ressemble plus à des observations faites avec le recul. Mais les cryptomonnaies étant toujours d'actualité, y a-t-il une manière pour l'investisseur moyen de commencer à investir dans ces dernières? Et question plus importante : Devriez-vous vous y mettre?
Commençons par donner un bref contexte par rapport à cette mystérieuse nouvelle catégorie d'actif. Le Bitcoin est une nouvelle forme d'argent appelée « cryptomonnaie ». Il s'agit d'une devise entièrement digitale qui ne possède pas de soutien souverain, contrairement à la monnaie fiduciaire (monnaie fabriquée et soutenue par les gouvernements nationaux). Les cryptomonnaies sont perçues par certains observateurs comme l'instrument d'échange ultime et la monnaie du futur.
La cryptomonnaie repose sur ce qu'on appelle la « technologie de la chaîne de blocs ». Imaginez une feuille de calcul qui n'a pas d'emplacement central, mais qui existe plutôt en tant que milliers de copies partout, pouvant être utilisées pour valider les informations et les changements pertinents sur n'importe quel registre individuel.
Au départ, cette technologie avait été créée pour supporter l'existence d'une devise non sensible aux failles de sécurité habituelles des formes actuelles « d'argent », avec une couche supplémentaire de confidentialité. Aucun corps central n'est capable de manipuler la valeur de la devise, ainsi, cette valeur est uniquement fondée sur la demande et l'offre actuelle.
Cependant, à l'instar de la monnaie fiduciaire, les cryptomonnaies remplissent les trois fonctions principales de l'argent telles que nous les connaissons : 1) un moyen de paiement en échange de biens et services; 2) une unité de compte par laquelle on peut exprimer la valeur d'un bien ou d'un service; et 3) une réserve de valeur, qui peut être économisée puis utilisée pour payer des biens ou des services plus tard.
Pour rendre les choses plus compliquées, plusieurs autres formes de cryptomonnaies ont émergées depuis l'avènement du Bitcoin; celles-ci sont souvent appelés « altcoins ». Ethereum est sans doute la plus connue des formes d'altcoins disponibles sur le marché, et possède un taux de croissance sur deux ans sans précédent de plus de 70 000 %. D'autres noms notables dans la liste incluent Litecoin, Zcash et même le très amusant PotCoin. Comme son nom le suggère, ce dernier vise à devenir la forme de paiement standard pour l’industrie légalisée du cannabis.
Instruments de placement
Au delà de l'intrigue publique et économique des cryptomonnaies, les gestionnaires de portefeuille et les analystes commencent également à prêter attention à celles-ci. Majestic Gestion d'Actifs a récemment lancé le premier fonds de cryptomonnaie du Canada. Il s'agit du
Fonds Rivemont Crypto, un placement privé non coté qui a été lancé le 8 décembre 2017, et qui est disponible à l'achat directement auprès de Majestic, seulement à destination des investisseurs qualifiés au Canada.
Suivant les traces de fonds similaires aux États-Unis, Rivemont déclare que le fonds cherchera à « profiter du développement de la technologie du "blockchain" en identifiant les cryptomonnaies les plus prometteuses ». Le fonds vise dans un premier temps à investir principalement dans les contrats à terme d'Ethereum et du Bitcoin, et investira éventuellement de façon directe dans les cryptomonnaies et autres altcoins au fur et à mesure qu'ils seront disponibles et dès qu'ils auront développé un historique crédible.
Le fonds lui-même détiendra des contrats à terme, échangés sur les marchés du CBOE et du CME. Les devises digitales s'échangeront sur Gemini Trust, une plateforme de bourse fondée par Tyler et Cameron Winklevoss, des frères jumeaux devenus milliardaires en investissant dans le Bitcoin. Vous les connaissez également peut-être comme les frères ayant gagné un procès à 65 millions de dollars contre Facebook, alléguant que son fondateur Mark Zuckerberg avait volé leur idée de réseau social pendant qu'ils étaient étudiants à Harvard.
Cependant, les soucis réglementaires qu'impliquent les fonds de cryptomonnaie sont toujours en cours de résolution des deux côtés de la frontière. Tandis que les fonds de couverture ont la flexibilité de parier sur les devises digitales, les efforts d'inscrire un FNB de cryptomonnaie à Wall Street ont dernièrement été torpillés par la Securities and Exchange Commission (SEC), organisme américain de réglementation des marchés financiers, qui a cité parmi les raisons, un manque de systèmes régulateurs pour les cryptomonnaies, et un potentiel excessif de volatilité. La semaine dernière seulement, deux entreprises américaines de services financiers, ProShares et VanEck, ont retiré leurs demandes visant à coter des FNB de cryptomonnaie au NYSE.
Les régulateurs pourraient avoir de réelles raisons d'être inquiets. Le Bitcoin et l'Ethereum ont tous deux connus des croissances sans précédent ces dernières années. Beaucoup de sceptiques ont très vite suggéré l'existence d'une bulle, qui devrait, selon eux, éclater dans un futur proche. La récente baisse des cours du Bitcoin de 22 % sur une période de quatre jours en décembre 2017 a pu être le signe que les investisseurs prudents attendaient pour éviter ces monnaies.
Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada a récemment exprimé ses craintes concernant les cryptomonnaies le 14 décembre au Canadian Club, dans un discours justement nommé « Trois choses qui m’empêchent de dormir la nuit ». Entre autres choses, il a réfléchi aux plus grandes implications de l'arrivée des cryptomonnaies, affirmant qu'il était inexact de les nommer « monnaie », et aux répercussions potentielles sur l'argent dans nos poches. Il a également rejeté leur valeur en tant que « monnaie » à cause de leur volatilité, notant qu'une devise devait être une réserve de valeur fiable. Les autorités fiscales sont d'accord, puisque l'Agence du revenu du Canada et son équivalent américain, l'Internal Revenue Service, voient les cryptomonnaies comme des titres sur lesquels tout gain de capital pourrait être imposable.
Les circonstances autour de cette situation sont de toute évidence fluides. Les détails changent toutes les semaines voire tous les jours. Le statut juridique des cryptomonnaies en tant que titre ou devise fait l'objet d'un débat passionné, et la volatilité de leurs valeurs les ont rendus sujets à une surveillance constante. Il semble probable que le débat continuera pour un petit moment.
En résumé : Pour les cryptomonnaies, leurs dérivés et les fonds investissant dans ces instruments, il s'agit réellement d'être un acheteur averti.
© 2018 par Forum des Fonds. Sayem Hossain est analyste des opérations analytiques et des données à Fundata Canada Inc. Ces informations ne visent pas à fournir des conseils personnalisés spécifiques, y compris, mais sans s’y limiter, des conseils en placement, financiers, juridiques, comptables ou fiscaux. Aucune garantie de rendement n'est faite ou implicite.